- CONTORTALES
- CONTORTALESL’ordre des Contortales, ou Contortées, comprend quatre familles caractérisées par leur corolle enroulée en parapluie dans le bouton (préfloraison tordue ou contortée). Les gentianes (Gentianacées), les lauriers-roses et les pervenches (Apocynacées) sont les plus connues dans les régions tempérées; les Ményanthacées, encore tempérées, affectionnent les lieux humides ou franchement aquatiques; enfin les Asclépiadacées, surtout représentées dans les régions tropicales, se remarquent par leurs appareils reproducteurs très spécialisés.Un type, le laurier-roseLe laurier-rose (Nerium oleander ) est un arbuste de deux à cinq mètres de haut dont les feuilles, groupées par deux, trois ou quatre, subovales et coriaces, présentent un fin réseau de nervures (fig. 1). Leur épiderme est fortement épaissi, cutinisé et les stomates se localisent à la face inférieure, dans des cryptes garnies de poils, limitant ainsi la déperdition d’eau par transpiration (fig. 3).L’anatomie des tiges révèle des faisceaux à liber interne, périmédullaire, et la présence de canaux lacticifères ramifiés, sécréteurs d’un latex incolore, dans tous les tissus (fig. 2).En été, les rameaux se couvrent de bouquets de fleurs rouges, formant des inflorescences cymeuses: de part et d’autre d’une fleur terminale, épanouie la première, se dressent deux fleurs qui porteront à leur tour deux autres fleurs, etc.Ces fleurs sont régulières, de type cinq (fig. 4 et 5) ; les sépales imbriqués portent contre leur face interne des glandes à nectar; les pétales soudés en un tube à la base s’individualisent au sommet en cinq lobes ornés d’une languette laciniée. Les étamines s’insèrent par un filet très court sur la corolle et se prolongent au-delà des anthères par une arête plumeuse (fig. 6); chaque anthère, fertile seulement dans sa partie supérieure, s’infléchit vers le stigmate globuleux. Le pistil comprend deux loges distinctes, les carpelles, qui se réunissent à la partie supérieure en un style unique. Leur paroi interne, ou placenta pariétal, porte de nombreux ovules renversés (anatropes) et unitégumentés. La pollinisation est effectuée par les insectes. Les graines (fig. 7), velues et ornées d’une touffe de poils, contiennent un albumen oléagineux; elles sont contenues dans des fruits secs, très longs, du type follicule (fig. 8).Le laurier-rose croît spontanément dans la région méditerranéenne, dans les rocailles, près des cours d’eau. Il en existe de nombreuses variétés horticoles, différant par la couleur et la duplication des fleurs. La multiplication par bouturage est facile. Des feuilles fossilisées se retrouvent dans les dépôts sédimentaires dès le Crétacé supérieur (Allemagne, vallée du Rhône, Bassin parisien). Elles témoignent de l’ancienneté du genre Nerium et de sa stabilité morphologique. Le feuillage persistant à structure xéromorphique, les variations de la répartition paléogéographique suggèrent que le genre Nerium est un survivant d’une flore sèche disparue ou refoulée lors des glaciations quaternaires. On connaît trois espèces de laurier-rose, chacune occupant une aire précise: l’une sur le pourtour méditerranéen (N. oleander ), l’autre en Iran, la troisième de l’Iran au Japon et à l’Indonésie. Leur génotype est très stable (2 n = 22). Le laurier-rose contient des hétérosides toxiques, tonicardiaques (néroside).Caractères principauxLes Contortales sont des herbes annuelles, bisannuelles (nombreuses gentianes) ou vivaces, des arbustes (laurier-rose, Calotropis ), des lianes (Landolphia ), rarement des arbres. Les tiges sont succulentes chez les Adenia et Stapelia tropicaux.Ce sont surtout des variations portant sur l’anatomie et sur les structures florales qui permettent de distinguer les différentes familles. Anatomiquement, les Ményanthacées se distinguent par l’absence de liber interne; les laticifères caractérisent les Apocynacées (latex clair) et les Asclépiadacées (latex laiteux).Variations du type floralLes fleurs de type cinq, parfois quatre (fig. 9), sont rarement solitaires, mais forment des inflorescences en grappes ou en cymes. Les pétales à préfloraison tordue, valvaire chez les Ményanthacées, se soudent en un tube plus ou moins long, étalé au sommet (Stapelia , pervenche, laurier-rose) ou campanulé (quelques gentianes). Souvent, ils s’accompagnent d’appendices en forme d’éperon (Halenia ), de ligules parfois très découpées (laurier-rose, gentianes) ou de lobes (Asclepias , Periploca ) formant une paracorolle. Les étamines à anthères introses, insérées sur la corolle à différents niveaux, présentent des ornementations diverses: filet aplati prolongé par une languette (pervenche), un plumet (Nerium ), une corne (Asclépiadacées) ou des appendices pétaloïdes (Asclepias ). Chez les Apocynacées, elles deviennent conniventes autour du stigmate, caractère qui s’accentue chez les Asclépiadacées.L’ovaire est toujours supère (semi-infère chez les Ményanthacées), formé de deux carpelles soudès (Gentianacées, Ményanthacées) ou presque libres (Apocynacées, Asclépiadacées), mais toujours réunis par un style unique. Les nombreux ovules unitégumentés sont insérés sur des placentas axiles ou pariétaux; chez les Asclépiadacées et les Apocynacées, le nucelle se réduit à une seule assise cellulaire ou même à quelques cellules. Les fruits sont secs (capsules ou follicules), charnus chez quelques Gentianacées et Apocynacées (Landolphia , Carissa ).Les graines sont souvent albuminées et pourvues d’ailes, d’aigrettes (Strophanthus ) ou de touffes de poils (Apocynacées, Asclépiadacées).Les fleurs des Asclépiadacées présentent un style massif, recouvert par les appendices cornus des étamines; aux cinq lobes stigmatiques repliés s’accolent les anthères; celles-ci étant difficilement accessibles, des dispositifs spéciaux ou translateurs aident à la dispersion du pollen: chez Asclepias , les étamines sont soudées en un tube qui porte au sommet cinq anthères libres et, sur la face extérieure, cinq appendices pétaloïdes en forme de cornet d’où émergent les cornes. Dans chaque sac pollinique, les grains de pollen sont agglutinés en un paquet ou pollinie prolongé par un cordon visqueux, le caudicule; celui-ci aboutit à une vésicule, le rétinacle, localisée entre les stigmates. Les pollinies de deux anthères différentes sont ainsi réunies par paire et à maturité restent suspendues autour du style.Caudicules, rétinacles et pollinies constituent des translateurs ; souvent, les étamines sont moins complexes (Periploca ): les translateurs sont alors de simples expansions du filet en forme d’urne ou de spatule dont la surface visqueuse recueille les grains de pollen groupés seulement par quatre (tétrades). Chez Asclepias , l’association étamines-style ou gynostège rappelle celle des Orchidales dont les étamines et le style sont entièrement soudés en un gynostème .Données écologiques et biologiquesParmi les Gentianacées, le genre Gentiana renferme environ 600 espèces réparties dans tout l’hémisphère Nord; on le retrouve dans les Andes, en Malaisie, dans le sud de l’Australie. La floraison est estivale (G. lutea , G. nivalis ) ou bien vernale (G. verna ). Certaines sont saprophytes ou à mycorhizes.Excepté les genres Vinca d’Europe et Apocynum d’Amérique du Nord, les Apocynacées se répartissent dans les régions tropicales. Certaines sont succulentes, tels les Adenium , arbrisseaux des savanes africaines et les Pachypodium ; ceux-ci, caractéristiques des formations sèches de l’Afrique du Sud et de Madagascar (P. Geayi ), sont de petits arbres dont les troncs renflés, parfois ramifiés, se terminent par un bouquet de feuilles.Les Asclépiadacées présentent des formes biologiques variées: Calotropis procera des régions sahéliennes et des oueds sahariens a de larges feuilles charnues; les Stapelia , Huernia , Caralluma d’Afrique australe possèdent des tiges courtes, succulentes et cactiformes portant de grandes fleurs rouge sombre ou violacé; les Dischidia sont des épiphytes d’Indo-Malaisie; D. Raffesiana possède des feuilles renflées en forme d’outre constituant des réserves d’eau où plongent les racines aériennes.La pollinisation est souvent effectuée par des insectes, attirés par le nectar (Apocynacées), l’odeur ou la couleur sombre des fleurs (fleurs musciphiles des Asclépiadacées). Elle est obligatoirement croisée dans les cas de protandrie (Asclepias ) ou d’hétérostylie (Menyanthes ).Toutes les Contortales contiennent des hétérosides âcres et plus ou moins toxiques (Cynanchum , dompte-venin). Ceux des rhizomes de la grande gentiane sont toxiques et fébrifuges. Les Apocynacées contiennent aussi des alcaloïdes à propriétés antimétaboliques (vincaleuco-blastine) ou yohimbiniques (Rauwolfia , Vinca major ) et divers tonicardiaques (ouabaïne, strophanthine). Les Strophanthus ont été utilisés dans la préparation de la cortisone. Enfin le latex de certains genres (Landolphia , Urceola parmi les Apocynacées; Calotropis , Asclepias parmi les Asclépiadacées) fournit un caoutchouc de cueillette.Relations phylogénétiquesLes feuilles opposées sans stipules, la présence de liber interne, l’ovaire supère formé de deux carpelles contenant de nombreux ovules unitégumentés, la présence d’hétérosides et surtout la préfloraison sont les caractères qui définissent l’ordre au sens d’Emberger. À l’intérieur de cet ordre, les carpelles soudés rapprochent les Gentianacées des Ményanthacées, alors que les carpelles plus ou moins libres et les laticifères rapprochent les Apocynacées des Asclépiadacées (tabl. 1). L’ordre s’intègre dans le phylum des Contortales-Tubiflorales; les Convolvulacées établiraient un lien entre les deux ordres.Pour Engler, l’ordre s’accroît des Oléacées à fleurs bistaminées et des Loganiacées à feuilles stipulées. À vrai dire, ces deux familles réunies dans le même ordre par Hutchinson ne diffèrent pas vraiment des Contortales et constituent un lien de parenté avec les Rubiales.Enfin, les quatre familles forment deux ordres différents dans la classification d’Hutchinson: la série herbacée incluant les Gentianales dérivées des Caryophyllales et la série ligneuse comprenant les Apocynales dérivées des Loganiales (tabl. 2).
Encyclopédie Universelle. 2012.